
Imaginaire de la fin, icônes, esthétique. (Ir)représenter la post-apocalypse dans la bande dessinée et le cinéma du génocide tutsi.
Abstract
Cette étude sur la bande dessinée et le cinéma du génocide tutsi s’écarte de l’analyse désormais canonique des politiques mémorielles et pratiques testimoniales pour en investir le parti pris post-apocalyptique . Elle s’agence en deux volets, ou, plutôt, en deux lieux de regard. Envisageant l’imaginaire de la fin qui s’est constitué autour du génocide tutsi, le premier volet de l’étude s’attelle à décrire une scène « cross-traumatic » ou transtraumatique, appelée génoscape, sur laquelle la pensée, les images et les discours critiques lient le destin éthique, esthétique et épistémique du génocide tutsi à celui de la Shoah. Cette démarche aboutit ensuite à l’examen des débats et querelles autour de l’irreprésentabilité du génocide. Il y est, en effet, question d’élucider l’écart entre deux agirs esthétiques déployés par les médiations visuelles de génocide : représenter et (ir)représenter. Ce point de l’étude montre que l’irreprésentabilité fait le lit d’une nostalgie critique et d’une rétrospection prospective qui puisent dans le répertoire iconique du passé les ressources qui aident à la représentation visuelle du génocide tutsi. Le deuxième lieu de regard est, pour sa part, le cœur des investissements de l’esthétique post-apocalyptique dans la bande dessinée et le cinéma du génocide tutsi. Constitué de trois chapitres, ce volet emprunte l’allure d’une clinique de la mise en scène sensible des symptômes post-apocalyptiques que sont le trauma et le désir. L’esthétique post-apocalyptique de la bande dessinée et le cinéma du génocide tutsi exhibe, au moins quatre singularités : une dialectique entre scopophilie et scopophobie par laquelle l’image du génocide tutsi devient ‘‘piction’’ et dévoile son désir, une inclination nostalgique pour les mythes apocalyptiques du passé, une intrigue spatiale et, enfin, l’émergence d’une post-apocalypse liquide qui voit l’apparition du sujet spectral et qui mue, également, les dispositifs de la représentation en des machines hydrauliques perméables.