Event Title

Féminisme, science et valeurs: La mortalité maternelle

Presenter Information

Pascale Baraté

Start Date

28-6-2010 10:45 AM

End Date

28-6-2010 12:15 PM

Description

This presentation is part of the Science and Values: Global Perspectives track.

Les périmètres à géométrie variable que couvrent ces trois notions - féminisme, science et valeurs – ainsi que les interminables discussions que leur mouvance engendre justifient l’analyse d’une illustration concrète de leurs interactions et des opportunités qu’elles génèrent : la mortalité maternelle, une tragédie inacceptable et gardée sous silence.

Thème du cinquième objectif du millénaire qui vise à le réduire de 75%, ce problème de santé publique, cette atteinte aux droits humains, touche entre 10 et 20 millions de femmes dans le monde chaque année, plus particulièrement celles d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-Est. Il est estimé que 15% des 135 millions de naissances donnent lieu à des complications chez la mère (hémorragie, infection, avortement, hypertension, travail prolongé,…) qui nécessitent des interventions dans le cadre hospitalier (anesthésie, césariennes, transfusion sanguine,…). L’accès à un personnel qualifié lors de l’accouchement et aux soins requis en cas de complications est parfois impossible ou refusé. La non-assistance à ces femmes en danger entraîne annuellement le décès de 536.000 d’entre elles. Des millions d’autres évitent la mort de justesse, la morbidité sévère les menant à une incapacité temporaire ou définitive (fistule, infection, dépression, …) qui renforce leur dépendance ou justifie leur exclusion de la communauté.

La Science semble avoir depuis longtemps rempli une bonne partie de son contrat. Dans le domaine médical, les interventions de base à caractère préventif ou curatif ainsi que les soins à prodiguer d’urgence sont connus et validés. Les décès maternels sont évitables à 95%. La production (éducation, formation) et la gestion (ressources humaines et structurelles) du savoir-faire, tout comme les méthodes de mise en œuvre des politiques nationales de santé maternelle au sein du système de santé font cependant encore l’objet de nombreuses critiques et controverses. Les bienfaits du progrès scientifique ne touchent pas toutes les populations et n’atteignent guère les femmes pauvres du Sud qui vivent en milieu rural.

Les Valeurs semblent aussi bien cadrer la thématique. En terme de droits humains, de nombreuses déclarations (DUDH, 1948), conventions (CEDAW, 1979) et lois inscrivent le droit des femmes à la vie, au meilleur état de santé susceptible d’être atteint , à une grossesse souhaitée et une maternité sans risque. Sur le terrain par contre, les lois ne sont que rarement appliquées. Censée garantir la protection des femmes, l’affectation des ressources nécessaires à la politique de santé maternelle et la qualité des soins, l’éthique renvoie en réalité souvent au système dominant qui dévalorise la femme et ses nombreuses contributions à la société. Certains docteurs refusent ainsi de fournir des moyens contraceptifs ou de pratiquer l’avortement. La famille d’une mère en danger ne pourra payer que pour sauver le nouveau-né.

Le système patriarcal par ses codifications multiples perpétue les flagrantes inégalités et injustices. Fidèle à l’adage « Diviser pour mieux régner », il se nourrit des divergences d’opinion que les différents courants féministes défendent. Le malaise encore perceptible des féministes lorsqu’on évoque la maternité n’en est pas le moindre exemple.

Alors que certaines féministes redéfinissent leur rapport à la maternité en se concentrant sur les aspects sociaux (famille multimodale et autonomie) et la réalisation de soi (désir et plaisir d’enfanter), une brève analyse des risques liés à la maternité dans les pays du Sud met en exergue les causes profondes de discrimination et de violence auxquelles la condition féminine reste confrontée globalement, et questionne brutalement notre sens des priorités. Un décès maternel chaque minute. Que faut-il de plus ?

Le caractère structurel et transversal de cette violence envers les femmes rappelle le bas âge du Féminisme transnational, les limites de son champ d’action mais aussi la nécessité d’adresser les spécificités propres à chaque communauté.

En ces temps de crises économique et financière, la privatisation des services et profits et la socialisation des pertes précarisent encore plus fortement les femmes, accroissent les inégalités sociales de santé mais soulignent également à quel point certains éléments (santé, environnement, les droits fondamentaux) appartiennent à l’humanité tout entière. Les grossesses désirées ou non exposent les femmes à des dangers physiques, mentaux et sociaux qui menacent leur bien-être, parfois leur vie. Cette réalité ne peut laisser aucune féministe indifférente, sa solidarité et son engagement politique doivent dénoncer cette atteinte aux droits humains de la femme et mener des actions qui visent à confronter et responsabiliser les acteurs et les états, négligents ou assassins.

La pluralité des féminismes et des maternités ne peut nous faire oublier que chaque minute, dans le monde, une femme meurt en donnant la vie. Utilisant positivement les connaissances scientifiques et les valeurs universelles, l’action féministe se doit de tout mettre en œuvre pour éliminer la mortalité et la morbidité maternelles, une réalité d’autant plus choquante qu’injustifiée.

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COinS
 
Jun 28th, 10:45 AM Jun 28th, 12:15 PM

Féminisme, science et valeurs: La mortalité maternelle

This presentation is part of the Science and Values: Global Perspectives track.

Les périmètres à géométrie variable que couvrent ces trois notions - féminisme, science et valeurs – ainsi que les interminables discussions que leur mouvance engendre justifient l’analyse d’une illustration concrète de leurs interactions et des opportunités qu’elles génèrent : la mortalité maternelle, une tragédie inacceptable et gardée sous silence.

Thème du cinquième objectif du millénaire qui vise à le réduire de 75%, ce problème de santé publique, cette atteinte aux droits humains, touche entre 10 et 20 millions de femmes dans le monde chaque année, plus particulièrement celles d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-Est. Il est estimé que 15% des 135 millions de naissances donnent lieu à des complications chez la mère (hémorragie, infection, avortement, hypertension, travail prolongé,…) qui nécessitent des interventions dans le cadre hospitalier (anesthésie, césariennes, transfusion sanguine,…). L’accès à un personnel qualifié lors de l’accouchement et aux soins requis en cas de complications est parfois impossible ou refusé. La non-assistance à ces femmes en danger entraîne annuellement le décès de 536.000 d’entre elles. Des millions d’autres évitent la mort de justesse, la morbidité sévère les menant à une incapacité temporaire ou définitive (fistule, infection, dépression, …) qui renforce leur dépendance ou justifie leur exclusion de la communauté.

La Science semble avoir depuis longtemps rempli une bonne partie de son contrat. Dans le domaine médical, les interventions de base à caractère préventif ou curatif ainsi que les soins à prodiguer d’urgence sont connus et validés. Les décès maternels sont évitables à 95%. La production (éducation, formation) et la gestion (ressources humaines et structurelles) du savoir-faire, tout comme les méthodes de mise en œuvre des politiques nationales de santé maternelle au sein du système de santé font cependant encore l’objet de nombreuses critiques et controverses. Les bienfaits du progrès scientifique ne touchent pas toutes les populations et n’atteignent guère les femmes pauvres du Sud qui vivent en milieu rural.

Les Valeurs semblent aussi bien cadrer la thématique. En terme de droits humains, de nombreuses déclarations (DUDH, 1948), conventions (CEDAW, 1979) et lois inscrivent le droit des femmes à la vie, au meilleur état de santé susceptible d’être atteint , à une grossesse souhaitée et une maternité sans risque. Sur le terrain par contre, les lois ne sont que rarement appliquées. Censée garantir la protection des femmes, l’affectation des ressources nécessaires à la politique de santé maternelle et la qualité des soins, l’éthique renvoie en réalité souvent au système dominant qui dévalorise la femme et ses nombreuses contributions à la société. Certains docteurs refusent ainsi de fournir des moyens contraceptifs ou de pratiquer l’avortement. La famille d’une mère en danger ne pourra payer que pour sauver le nouveau-né.

Le système patriarcal par ses codifications multiples perpétue les flagrantes inégalités et injustices. Fidèle à l’adage « Diviser pour mieux régner », il se nourrit des divergences d’opinion que les différents courants féministes défendent. Le malaise encore perceptible des féministes lorsqu’on évoque la maternité n’en est pas le moindre exemple.

Alors que certaines féministes redéfinissent leur rapport à la maternité en se concentrant sur les aspects sociaux (famille multimodale et autonomie) et la réalisation de soi (désir et plaisir d’enfanter), une brève analyse des risques liés à la maternité dans les pays du Sud met en exergue les causes profondes de discrimination et de violence auxquelles la condition féminine reste confrontée globalement, et questionne brutalement notre sens des priorités. Un décès maternel chaque minute. Que faut-il de plus ?

Le caractère structurel et transversal de cette violence envers les femmes rappelle le bas âge du Féminisme transnational, les limites de son champ d’action mais aussi la nécessité d’adresser les spécificités propres à chaque communauté.

En ces temps de crises économique et financière, la privatisation des services et profits et la socialisation des pertes précarisent encore plus fortement les femmes, accroissent les inégalités sociales de santé mais soulignent également à quel point certains éléments (santé, environnement, les droits fondamentaux) appartiennent à l’humanité tout entière. Les grossesses désirées ou non exposent les femmes à des dangers physiques, mentaux et sociaux qui menacent leur bien-être, parfois leur vie. Cette réalité ne peut laisser aucune féministe indifférente, sa solidarité et son engagement politique doivent dénoncer cette atteinte aux droits humains de la femme et mener des actions qui visent à confronter et responsabiliser les acteurs et les états, négligents ou assassins.

La pluralité des féminismes et des maternités ne peut nous faire oublier que chaque minute, dans le monde, une femme meurt en donnant la vie. Utilisant positivement les connaissances scientifiques et les valeurs universelles, l’action féministe se doit de tout mettre en œuvre pour éliminer la mortalité et la morbidité maternelles, une réalité d’autant plus choquante qu’injustifiée.